La Sculpture Grecque "B. Holtzmann" Poche 2010
Article mis en ligne le 2 octobre 2022
dernière modification le 16 octobre 2024

par christian

De la peinture grecque il ne reste presque rien, la sculpture a traversé le temps grâce aux matériaux utilisés. Ce n’est pas un art isolé, il faut le relier àl’architecture mais aussi àla musique, àla peinture et au théâtre. Les poteries sont aussi en développement conjoint, ainsi que l’orfèvrerie et la toreutique. Le champ est large de la statuaire en marbre àla plastique en bronze.

Espace et volume

Architecture et sculpture mettent en jeu la troisième dimension. L’architecture créée des vides pour y circuler alors que la sculpture fait des pleins qui polarisent la vacuité de l’espace. Pour la sculpture on passe du bas relief, au haut relief puis àla ronde bosse (souvent la face antérieure est plus travaillée). C’est le passage du graphisme àla 3D. Le relief ne présente pas le même rapport au sol que la ronde bosse. La statuaire en marbre doit d’abord jouer avec les règles de la pesanteur et l’élégance de la solution sera souvent liée àcelle de la sculpture. La frontalité est présente jusqu’au IVème siècle, souvent parce que leur exposition ne permettait pas de faire le tour de la statue. Une statue grecque est toujours surélevée par rapport au sol, ce qui augmente l’impression d’isolement et de majesté. La statue était rarement isolée mais faisait partie d’un groupe sans unité, il fallait qu’elle se remarque au sein du troupeau.

La fabrication d’une statue demande technique et force, les artistes sont moins considérés que ceux du logos (poètes, philosophes, orateurs, historiens, …). Ce sont des artisans d’art et pas des artistes. Il a fallu attendre le collectionnisme des romains pour que les sculptures prennent de la valeur. Instinctivement la main se porte sur la statue mais des distances seront toujours mises en place.

Matériaux et techniques

La sculpture peut se faire par addition (matériau plastique) ou pas soustraction (matériaux dur). La voie agglutinante est chaude car il faut chauffer pour conserver le produit final alors que la voie soustractive est dite froide.

La terre cuite fut le premier matériaux, l’argile est travaillée par un “plasticien†qui va rapidement utiliser des moules pour produire en série. La production de figures grotesques au moment ou la sculpture est àson apogée permettra de faire durer les techniques qui évoluent peu. Ce sont des objets de tombes et de sanctuaires en direction du peuple. Ce sont aussi des productions pour les régions dépourvues de carrières de marbre. Cette technique perdure pour les besoins du bronze qui demandent un modèle très exact en argile avant la fonte. Pour les grandes oeuvres, le four était construit autour (température de 800 à1000 °C).

Le bois est plus fragile et se conserve moins, mais c’est un matériaux qui se prête bien àla peinture et qui perdure en même temps que les sculptures sur pierres. La sculpture sur ivoire (éléphant et hippopotame) sont de petite taille mais d’une grande virtuosité.

La sculpture sur pierre àcomme préhistoire les production de la civilisation cycladique au III siècle. Mais quand la production recommence 1500 ans plus tard. L’ordre d’usage des matériaux a été bois – terre cuite, calcaire tendre et marbre. Le calcaire tendre (pôros) peut se travailler avec les mêmes outils que le bois dur. Le passage au marbre se fait durant le dernier quart du VI les outils passent du bronze au fer. Les statues colossales sont réalisées àla fin du VII et la diffusion du marbre commence durant le premier quart du VI. Le marbre de Paros est utilisé au milieu du VI, il est àgrains fins.

Marbre de Paros – Wikipédia
Le bloc est dégrossi puis transporté avant la taille finale. Le transport était la phase critique et la plus onéreuse.

Ensuite la statue est placée sur son socle et enfin peinte et dorée. Les oeuvres de Praxitèle étaient peintes par Nicias, peintre célèbre. Le coà»t d’une sculpture en marbre était plus bas que celui d’un bronze.

Les métaux demandent un travail préliminaire important (extraction, raffinage) et souvent un transport sur longue distance. Le bronze est formé de cuivre et d’étain (ou plomb, arsenic).

Le cuivre provient de l’Eubée, de Chypre et de l’Eturie, l’étain est plus rare et venait du Caucase et de Grande Bretagne. Après la disparition de la civilisation mycénienne le bronze est au plomb, moins léger et malléable. Ce sont au départ des objets votifs (principalement des chevaux) de petite taille qui miment les objets en terre cuite. Puis ce sont de grands chaudrons votifs. Les petites pièces sont réalisée àla fonte pleine àla cire perdue ( au maximum 40 cm de hauteur sinon risque de fente du lingot). On utilise alors la technique du repoussé sur plaque de bronze (Sphyrélaton). La fabrication des chaudron permet de mettre au point la fonte en creux (déjàconnues en Mésopotamie).

Le bronze est alors préféré pour les statues d’extérieur. Mais souvent ce bronze a été réutilisé et refondu ultérieurement, les seules statues que nous connaissons sont des statues perdues (enfouies ou naufragées). On n’a que des copies en marbre des oeuvre originalement en bronze.

Les techniques composites permettent d’associer au moins deux matériaux au sein d’une sculpture (chryséléphantine = Or et ivoire), elle sont utilisée pour des pièces de grande valeur. C’est aussi le cas du Sphyrélaton

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sphyrélaton
dont les tôles clouées sur une âme de bois permettait de réaliser de grandes statues. Il a aussi exister des Sphyrélatons de plaques d’argent clouées sur une âme de cuivre et fixée sur du bois. La technique “acrolithe†correspondait àl’utilisation de feuilles d’or sur une ossature de bois et une extrémité en une en marbre (remplaçant de l’ivoire pour les chairs).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Acrolithe# : :text=Une statue acrolithe
https://fr.wikipedia.org/wiki/Colosse_de_Constantin
Il faut noter que de nombreuse statue on une tige métallique au sommet (le ménisque) pour empêcher les oiseaux de se poser. certaines statues étaient vêtues et on changeait régulièrement les habits.

Genres

La sculpture est intimement liée àla religion. D’abord statues de culte, puis funéraires et commémoratives. L’usage chez les romains sera encore plus personnalisé. On peut aussi présenter l’évolution historique de la sculpture.

Statues et reliefs de culte :

Ce sont des statues uniques dans chaque lieu de culte, ancienne et non visible par les fidèles elle était enfermée dans un temple. Elles ont été détruite lors de l’arrivée du christianisme et seules celles qui ont été cachées sont visibles aujourd’hui. Par contre il y a de nombreuses statues votives.

Les offrandes

Ce sont principalement des rondes bosses et des reliefs. Souvent associées àdes dédicaces on les retrouve dans des fosses après nettoyage du temple. Elles évoluent vers la représentation du donateur en petite taille devant la divinité pendant un sacrifice. Les dernières pièces sont en marbre alors qu’elles étaient en terre anciennement.

La sculpture décorative

Ce sont, dans un premier temps, des objets quotidiens qui sont rehaussés de décoration et offert en offrandes (chaudrons, protomés, https://fr.wikipedia.org/wiki/Protomé, miroirs, …). A l’époque hellénistique ce sont des coffrets ou des accoudoirs de lit. Les meubles peuvent aussi recevoir des appliques en ivoire. On retrouve des frises dans le tympan et l’entablement des monuments des ordres dorique et ionique. La frise de l’ordre dorique est une suite de triglyphes et de métopes.

Dans l’ordre ionique la frise est un bandeau continu qui peut être en entablement ou en position haute, voire des caryatides.

Dans les deux cas les frontons sont richement sculptés en relief avec du calcaire tendre dans un premier temps puis du marbre.

L’existence des angles permet aux sculpteurs de présenter des formes et des mouvements contraints mais novateurs.

Le goà»t des romains pour les antiquités grecques a permis de faire des copies par des sculpteurs grecs mais souvent de pièces hors contexte.

Histoire du Parthénon
La sculpture funéraire

La tombe doit être marquée dans le paysage, on utilise des colonnes, des vases àoffrandes sur lesquels on place le nom du défunt, puis un portrait (peint puis sculpté). L’usage du sarcophage provient des romains et les représentation de gladiateurs est un reliquat de la religion étrusque. Les représentations tournent autour du couros et de la coré. Les reliefs funéraires sont dressés (stèles) et ont plus de liberté de représentation. La polychromie y a joué un rôle prépondérant.

La sculpture commémorative.

La sculpture se met au service de l’histoire. Les portraits sont souvent réalisés quelques dizaines d’années après la fin de l’évènement ou la mort de l’homme. Ce sont des statues en pied, le buste sera une demande des romains. Elle sont généralement en bronze et montre bien le vêtement et l’attitude, primordiales pour un sculpteur grec. Les sujets peuvent être des athlètes victorieux qui sont offerts aux dieux ou des hommes politiques (sauf àAthènes). L’apparition des statues privées va de paire avec le développement de l’individualisation des visages.

Les champs iconographiques

La figure humaine est privilégiée mais dans le sens de la représentation anthropomorphique des dieux. Les héros sont aussi représentés nus pour affirmer leur invincibilité. Cette représentation de l’homme commence dès la période géométrique et va s’améliorer avec le temps pour aller vers un mimétisme du vivant mais pas comme une simple copie mais avec une recherche de l’harmonie supérieure. On passe du Couros et de la Coré àune représentation esthétique intellectualisée, une harmonie rationnelle ou une imagination créatrice. D’où une oscillation au cours du temps entre deux pôles esthétiques : idéalisation et expressivité.

“Admirable pouvoir de cet art qui rend les hommes illustres plus illustres encore†Pline l’Ancien

Au cours du temps les monstres disparaissent, seuls les centaures sont encore présents àl’époque Hellénistique. Les animaux totémiques accompagnent les dieux (et les mortels). Le cheval n’est jamais sacrifié et représente une noblesse qui touche àla divinité. Il est présent dans les statues de héros ou de dieux. La nature entre rarement dans les rondes bosses.

Les conventions de la figuration humaine

la statuaire grecque privilégie la représentation en pied. Le problème àrégler était le lien avec le sol et le mouvement du corps. Les premiers protomés (votifs) et les pilier hermaïques (hermes/mercure) qui marquaient les intersections de routes peuvent prendre dans un monument la figure d’un homme àhonorer. Ce sont les premières figurations humaines.

Le pilier hermaïque, une figure de passeur ?
La taille la plus courante était celle de l’humain pour la représentation du commun des mortels. Mais la représentation d’un dieu ou d’un héros devait se faire avec des tailles plus grandes.

Rapidement les sculpteurs ont réalisés des groupes. Les personnages peuvent ne pas avoir de lieu (paratactiques) ou participent àune signification globale (syntactiques). Les scènes se lisant de gauche àdroite.

Le corps masculin est nu alors que le corps féminin est vêtu (sauf Aphrodite). C’est une plastique ancestrale avant même les jeux où les athlètes étaient nus. La nudité est le costume du dieu et du héros.

Les vêtements n’étant pas cousus, le drapé prend la forme que l’on veut, il participe àl’expression de la personnalité. La femme porte le chiton (fin et àplis) et l’himation (épais aux plis amples. Le péplos en laine ne disparait qu’àl’époque hellénistique. Les corps sont parfaits et valorise l’homme. Le Couros a une origine égyptienne, la jambe gauche est en avant raide, le pied posé sur le sol et il est nu. Le mouvement n’est pas représenté, il est signifié. La Coré est habillée et immobile, les pieds presque joints. L’évolution, autour du V, se fait en libérant la jambe qui va se plier. c’est àpartir de làqu’une réflexion sur le positionnement des membres et la pesanteur va commencer et proposer de nombreuses positions. L’ouverture sera le besoin de copier les figures des céramographes. Le hanchement (contrapposto ou chiasme) est la solution trouvée pour équilibrer la statue et rendre la pose plus vivante.

Les proportions du corps sont développés dans un texte de Polyclète : le canon.

Polyclète – Wikipédia
Praxitèle proposera en réaction des figures plus expressives sur des corps suivant ce canon. Quand àLysippe il choisira de créer des corps plus sveltes dynamisant ainsi les postures. Le geste de l’athlète retirant sa couronne sera très employé pour illustrer la plastique des corps masculins.

Une femme retirant son voile devant un homme est son épouse.

Dans les premiers temps la tête n’exprime pas plus que le corps les sentiments. Elle peut présenter des variantes qui libère la créativité de l’artiste (comme le vêtement féminin). Fin du VI le sourire apparait. il sera moins important au fur et àmesure que les sculpteurs domineront la sphéricité du crâne. Le siècle suivant verra arriver l’inclinaison de la tête. L’évolution de la représentation de l’oeil est aussi un marqueur de évolution de la statuaire (de face puis de profil, la pupille cave, …)

Styles et artistes : les oeuvres

Le style évolue rapidement, àmettre en lien avec le besoin de se surpasser inhérent àla pensée grecque (mentalité agnostique). Les arts anciens sont toujours intégrés et demandent àêtre dépassés. Ceci permet de différencier artisans (qui reproduisent) et artistes (qui dépassent). Par exemple Dédale, mythique, qui est àl’origine de l’émergence de la grande statuaire et de l’architecture …

Dédale – Wikipédia
La transmission se faisait dans les ateliers de maitre àélève. Une famille pouvait former un atelier (Praxitèle sur 3 générations).

Les styles peuvent changer avec l’ethnie (Ioniens et Dioriens), mais l’analyse doit se faire au niveau de la cité malgré les difficultés de retrouver les origines (signatures par exemple).

Une dernière remarque sur la datation nous oblige souvent àséparer car historique et cadre artistique car l’art grec évolue très vite.

Les différentes périodes sont :

Histoire de la Grèce antique – Wikipédia
Période géométrique : 1050 – 700
Époque géométrique – Wikipédia
Période archaïque : 700 – 480
Époque archaïque – Wikipédia
Sculpture grecque archaïque – Wikipédia
Période classique : 480 – 338
Époque classique – Wikipédia
Sculpture grecque classique – Wikipédia
Période hellénistique : 336 – 30
Époque hellénistique – Wikipédia
Art hellénistique – Wikipédia
Période impériale : Ier – Vème siècles
Grèce romaine – Wikipédia
PÉRIODE GÉOMÉTRIQUE (1050-700)

Cette longue période de près de quatre siècles est encore inégalement connue : la phase protogéométrique (1050-900), longtemps peu attestée archéologiquement, avait de ce fait été qualifiée d’« Ã¢ges obscurs  ». Les découvertes de Lefcandi, en Eubée, prouvent que la régression impressionnante qui affecte la plupart des grands sites de l’époque précédente n’a pas été générale : on y constate, vers 950, l’existence d’une architecture monumentale et d’une plastique en terre cuite d’une ambition inattendue. Cette production essentiellement votive semble peu se développer durant les deux premières phases de la période géométrique (900-850 ; 850-770) proprement dite, àen juger par les trouvailles d’Olympie, qui sont les plus abondantes.

C’est durant la troisième et dernière phase (770-700), appelée « Géométrique récente  », que se produit une véritable renaissance, avec l’essor rapide d’une petite plastique en bronze de plus en plus animée. Dès ce moment des centres de production peuvent être différenciés, surtout dans la représentation très fréquente du cheval.

Rien n’a été retrouvé jusqu’ici d’une grande plastique en terre cuite ou en bois, et les textes, celui de Pausanias entre autres, sont trop imprécis pour qu’on puisse dater de l’époque géométrique les statues primitives qu’ils évoquent.

PÉRIODE ARCHAà QUE (700-480)

Durant les deux siècles de cette période, la colonisation grecque, commencée dès le VIII siècle, installe des cités nouvelles jusqu’aux côtes de l’Espagne et de la mer Noire : la civilisation grecque devient universelle, àl’échelle de la Méditerranée. Cette expansion spectaculaire met le monde grec en rapport plus intense avec les civilisations anciennes de la Méditerranée orientale l’Égypte, par le sas de la concession de Naucratis ; les civilisations du Croissant fertile, par l’intermédiaire des ports du Levant.

C’est pourquoi le VII siècle, phase d’expérimentation et d’assimilation des formes et des techniques orientales, est défini comme la phase orientalisante de l’art grec. Le phénomène est particulièrement intense dans certains lieux (Crète, Ionie, Samos) et pour certains types de production (objets de grand luxe en matériaux précieux importés’). C’est aussi le moment où la sculpture prend son essor : elle aborde la pierre, les grands formats, et élargit son champ àl’architecture et aux monuments funéraires. C’est alors que se forme le premier style d’époque bien constitué, appelé dédalique par les Modernes. Elaboré en Crète, il a été adopté par la plupart des centres producteurs, avec des nuances sensibles qui révèlent la différenciation – recherchée ? – des pratiques locales.

À la fin du VII siècle et durant le premier quart du VI siècle apparaissent des statues colossales masculines, sans doute àl’initiative de Naxos, premier centre de la sculpture en marbre, et àl’imitation de l’Égypte, mais sans le support dorsal de rigueur chez les colosses égyptiens, ce qui indique la volonté très grecque de faire d’emblée mieux que le modèle. Les centres créateurs sont alors liés àl’exploitation du marbre local : Naxos, Paros, Thasos, Athènes, Samos, Cyzique peut-être.

Par-delàles types statuaires dominants, àfonction variable, que sont le couros et la corè, les figures mythologiques sont l’occasion de créations originales, tandis que la petite plastique en terre cuite et en bronze, plus facile àréaliser, manifeste un rapport plus direct au réel en représentant le mouvement et parfois l’activité professionnelle. Elle s’apparente ainsi àla céramographie attique, dont les meilleurs artistes, après le passage aux décors àfigures rouges, commencent àsurmonter les rigidités et les conventions archaïques environ vingt ans avant que la grande sculpture ne s’y attaque, àpartir de 490.

La maîtrise de la fonte en creux du bronze, acquise durant la seconde moitié du vi° siècle, mais encore peu pratiquée, en permettant d’obtenir de grandes statues faciles àéquilibrer, va hâter le dépassement des formes archaïques et permettre au bronze de bientôt supplanter le marbre.

PÉRIODE CLASSIQUE (480-338)

Elle s’ouvre sur les victoires des cités grecques coalisées contre l’envahisseur perse – sur mer àSalamine en 480 ; sur terre àPlatées en 479 – et se termine en 338, àla bataille de Chéronée, par leur défaite irréversible face au roi de Macédoine Philippe II : l’indépendance des cités sera désormais théorique.

Le Ve siècle est marqué par la prééminence d’Athènes, qui joue un rôle essentiel dans la lutte contre la Perse, dont la « paix de Callias  », en 449-448, marque enfin le terme officiel. Athènes doit son salut, puis sa montée en puissance impressionnante, aux trois hommes d’État d’envergure qui la dirigent successivement : Thémistocle, Cimon et Périclès. Sous l’autorité de ce dernier, entre 455 et 429, Athènes s’efforce de transformer la Ligue de Dèlos, qui regroupait depuis 478 la trentaine de cités en guerre avec la Perse, en une hégémonie permanente, de plus en plus mal supportée par des alliés traités comme des sujets. La « guerre du Péloponnèse  » qui, durant près de trente ans, de 431 à404, oppose les alliés d’Athènes àceux de Sparte, s’achève, après de multiples péripéties, avec l’effondrement d’Athènes, où la démocratie est un temps abolie. Si sa tentative de mainmise impériale sur le monde grec a échoué, du moins a-t-elle acquis durant ce siècle mouvementé une prépondérance durable dans la culture grecque.

Au iv’ siècle, les velléités hégémoniques de Sparte, puis de Thèbes, étant restées sans lendemain, les cités grecques s’affaiblissent dans des luttes stériles que Philippe II (359­336) met habilement àprofit pour établir sa suzeraineté sur elles : ce qu’Athènes n’avait pas réussi au ve siècle, il y parvient en une quinzaine d’années, faisant de la Macé­doine – un petit royaume jusque làmarginal et jugé arriéré par les cités – la puissance hégémonique du monde grec. Mais il n’aura pas le temps de mettre en Å“uvre sa puissance nouvelle : assassiné au moment où il s’apprêtait àreprendre la guerre contre la Perse, c’est son fils Alexandre III le Grand qui réalisera son grand dessein, donnant ainsi une forme nouvelle àla civilisation grecque.

Si la période classique présente donc une unité historique certaine – grandeur et décadence des cités grecques…, il n’en va pas de même sur le plan artistique, où se succèdent des phases stylistiques contrastées, dont les termes traditionnels d’art classique en général ou bien de premier (V siècle) et second (IV siècle) classicismes ne sauraient rendre compte. En effet, ce terme « classique  », qui désigne chez les lettrés latins de l’époque impériale les Å“uvres littéraires grecques de première classe qui doivent être étudiées et imitées, a été repris au XVIII siècle pour désigner en bloc la civilisation grécoromaine, conçue alors comme la référence culturelle majeure de l’Europe moderne. II désigne donc un phénomène de réception, non de création : l’art de toute cette période n’est classique que dans la mesure où il a constitué une référence pour les Romains, puis pour les Modernes, mais il n’y a pas de style classique comme il y a un style dédalique ou un style sévère. En fait, depuis la fin du XIXe siècle, cette notion impropre occulte les phénomènes esthétiques de cette période en masquant la spécificité de ses phases et l’évolution considérable dont elle témoigne.

On peut distinguer en sculpture trois grandes phases stylistiques s’articulant chacune en deux moments. La première, de 490 à430, comprend le « style sévère  » (490­450), puis le « style libre  » (450-430), selon la terminologie introduite par G. Kramer en 1837 pour la céramographie attique. Durant cette phase de très grande créativité, les dernières contraintes héritées de l’archaïsme s’effacent peu àpeu et les sculpteurs accèdent àla pleine souveraineté dans le traitement de la figure humaine. Tandis que Paros reste fidèle àla sculpture en marbre, la sculp­ture en bronze vient au premier plan avec un thème de prédilection repris de l’archaïsme, la figure masculine nue et athlétique, en mouvement ou au repos. La pondération, qui a mis fin au type du couros durant la décennie 490-480, trouve avec Polyclète une formule durable, créant une harmonie générale de la figure. La rigueur altière du « style sévère  » s’épanouit ainsi dans le formalisme subtil du « style libre  », où l’expression des sentiments n’a pas sa place. Au même moment, la virtuosité atteinte au Parthénon amorce une brusque mutation’.

La deuxième phase stylistique ainsi déclenchée (430-­370) comprend elle aussi deux moments : jusqu’àla fin du V siècle, le maniérisme s’impose surtout àAthènes, où les figures féminines, plus dénudées que vêtues par les artifices du drapé, manifestent une sensualité nou­velle. Dans un second temps (400-370), ce style surtout attique – le « style riche  » de Kramer – essaime dans le monde grec tandis que le « style libre  » se prolonge lui aussi, notamment pour les figures masculines. Si séduisantes que puissent être ses productions, cette phase témoigne d’une créativité moindre : on se borne, pour l’essentiel, àexploiter les nouveautés apparues au cours de la phase précédente – un mouvement de consolidation peut-être nécessaire avant de nouvelles avancées.

La troisième phase (370-300) est de nouveau très novatrice et, sous bien des aspects, antithétique des précédentes ; aussi faudrait-il s’interdire de la déguiser en « se­cond classicisme  », ce qui en masque l’esprit. Dans un premier temps (370-340), les innovations se manifestent dans l’œuvre bien connue de quelques grands artistes – Pratixèle, Scopas, Lysippe : c’est d’abord la maîtrise enfin atteinte de la troisième dimension, mais surtout la recherche de l’expressivité, dans des tonalités différentes suivant les personnalités. Les états d’âme affleurent sous diverses formes, tandis que le portrait, bridé jusque-là, s’épanouit enfin. Dans un second temps (340-300), ces nouveautés se répandent, tandis qu’on observe un regain de la sculpture en marbre, suscité par le grand atelier du Mausolée d’Halicarnasse, qui joue au iv’ siècle le même rôle que le Parthénon au Ve. C’est dans ce terreau très riche que, passée la crise du début du iii siècle, va s’enraciner la sculpture hellénistique, et non dans l’art du VI siècle.

PÉRIODE HELLÉNISTIQUE (336-30)

La conquête de l’Orient jusqu’àl’Indus par Alexandre (336-323) donne au monde grec de nouvelles dimensions. Ses généraux se disputent longtemps (323-281) ce vaste empire hétérogène avant que ne se stabilisent des monarchies qui sont en conflit permanent ; dans leur orbite subsistent les cités grecques, qui tentent de s’unir en confédérations. La deuxième guerre punique (219-202) donne àRome l’occasion d’intervenir en Méditerranée orientale. Elle sera amenée peu àpeu àréduire en provinces toutes les monarchies grecques : la Macédoine en 148, le royaume de Pergame en 129, le royaume séleucide (Syrie) en 63 et le royaume lagide (Égypte) en 30 av. J.-C. Ainsi prend fin l’histoire politique de la Grèce, au moment même où triomphe sa civilisation’ : toute la classe diri­geante romaine est alors profondément hellénisée.

L’évolution de l’art, durant ces trois siècles, n’a plus la même linéarité que durant les siècles précédents, où les styles d’époque, clairement définis en dépit de variantes locales, s’enchaînent avec une régularité où l’on a été souvent tenté de voir une logique esthétique universelle. Désormais, ce sont le lieu de création, mais aussi le genre de sculpture qui déterminent le style, beaucoup plus que l’époque, en sorte que peuvent cohabiter au même moment des styles différents. Toutefois, cette déstructuration du champ esthétique n’est pas un signe de déclin : elle correspond seulement, dans un art moins lié àla religion, àla diversité des situations politiques et sociales dans le monde hellénistique.

Auprès de centres traditionnels comme Athènes, Samos, Cos ou Rhodes, apparaissent des foyers nouveaux, notamment les capitales des deux monarchies qui développent une politique culturelle de grande envergure : Alexandrie et Pergame. Si la production alexandrine reste difficile àsaisir, celle de Pergame, en revanche, est manifeste en sculpture z, avec les deux groupes commémorant les victoires sur les Galates s, et surtout le Grand Autel et ses prolongements. Avec son expressivité outrancière, ce style est le der­nier moment créateur de la sculpture grecque avant que la demande romaine n’en infléchisse le cours. L’îlot de Dèlos, grâce àun statut douanier particulier suscité par Rome, devient pendant quelques décennies une plaque tournante d’échanges entre l’Orient et l’Italie en cours d’hellénisation et, de ce fait, le lieu singulier d’acculturations diverses. Enfin, Rome elle-même finit par être un centre de la sculpture grecque au Ier siècle av. J.-C, où des artistes grecs immigrés s’affairent àsatisfaire la fringale d’art grec d’une clientèle parfois très avertie’ en revivifiant des styles devenus « classiques  » : de l’archaïque au baroque pergaménien.

Cette période complexe bénéficie aujourd’hui d’une attention nouvelle, comme le montrent, par-delàles études portant sur des œuvres ou des séries particulières, les nombreuses synthèses parues depuis la seconde guerre mondiale. Elle restera pourtant encore longtemps le grand chantier des études de sculpture grecque.

PÉRIODE IMPÉRIALE (le,-Ve siècles)

Après Auguste (27 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.), qui, sous l’apparence d’une restauration de la République, instaure àRome une monarchie de type hellénistique, la Méditerranée va connaître plus de deux siècles de paix complète, ce qui permet au monde grec de cultiver ses particularités en toute quiétude. L’une d’entre elles reste la sculpture en marge de l’art romain officiel très hellénisant, les sculpteurs grecs continuent àproduire pendant deux siècles d’innombrables copies plus ou moins fidèles, participant ainsi au dévoiement décoratif de leur art, ce qui nous a permis d’en avoir une connaissance indirecte précieuse, puisque les originaux ont disparu àla fin de l’Antiquité.

Le centre principal de cet artisanat d’art est Athènes s, qui exploite systématiquement son incomparable fonds « classique  », non seulement en fournissant des copies en marbre du Pentélique d’un savoir-faire souvent remarquable, mais en développant une industrie décorative depuis le 1er siècle av. J.-C., comme le montre la cargaison d’un bateau parti du Pirée qui a fait naufrage près de Mahdia, en Tunisie, vers 80 av. J.-C. C’est tout un mobilier en marbre àdécor ornemental ou figuré qui est proposé àla clientèle romaine : vases (106), candélabres, tables, margelles de puits, plaques de parapet… A partir du milieu du IIe siècle ap. J.-C., la production intensive de sarcophages àscènes mythologiques donnera pendant plus d’un siècle un nouveau débouché, largement exporté dans l’Empire, àcette exploitation décorative du réper­toire classique, pratiquée aussi ou perpétuée dans les ateliers des villes d’Asie Mineure qui n’ont pas été touchées par la première incursion de Barbares, les Hérules (en 267 àAthènes).

Tandis que les stèles funéraires figurées se banalisent au prix d’une sclérose iconographique crois­sante, que les reliefs votifs z les plus ambitieux font volontiers référence àdes compositions antérieures et que les frises àreliefs se bornent àreproduire des types divins anciens, le portrait seul garde une capacité de renouvellement qui en fait un guide chronologique àpeu près sà»r. Qu’il s’agisse de portraits restreints sur pilier hermaïque* comme ceux des directeurs d’un gymnase d’Athènes, de portraits d’Hérode Atticus et de son entourage, voire d’un portrait royal, la qualité attique se maintient dans ce domaine et survivra même àla catastrophe de 267, alors que la plupart des genres anciens périclitent àce moment.

De même, quelques villes d’Asie Mineure, comme Éphèse et Aphrodisias, prolongent jusqu’au seuil du vie siècle le genre de la statue honorifique, mais dans un style qui s’écarte de plus en plus de la tradition antique en abandonnant les conventions essentielles de la figuration grecque : la nudité, la mimèsis, la beauté plastique…

Le corps humain entre dans un purgatoire d’où il ne sortira qu’àla Renaissance.


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